Extraits du texte
Cela commença
sans qu’elle s’en aperçût tout de suite. Ses narines captèrent des
bouffées de couleur, tandis que devant ses yeux virevoltaient les notes
d’une musique d’outre-espace et qu’à ses oreilles résonnaient des
senteurs comme il ne lui avait jamais été donné d’en toucher sur son
monde natal. Dans sa bouche, elle sentit le goût des rayons du soleil
couchant, et ses doigts caressèrent un instant les effluves d’une prymilla
de Vernède, fleur qu’elle n’avait pourtant jamais vue. Une cavalcade
de lutins vêtus d’arômes variés courut dans ses cheveux, y semant des
flocons de neige dorée au goût de violon acide ; ils disparurent au
sein d’un nuage satiné qui dériva à hauteur des yeux de la jeune
fille, projetant sur elle une ombre fruitée, cependant qu’une fanfare
invisible jetait aux mille coins de l’espace d’éclatantes sensations
tactiles.
Puis l’étonnement
vint. « Ce n’est pas comme la première fois », pensa Yvia,
prenant conscience du fait que la peur qui grandissait en elle dans les
minutes précédant la translation avait maintenant complètement disparu.
Alors que cette idée traversait son esprit, les sensations se modifièrent.
La jeune fille eut l’impression d’être dépourvue de poids. Elle ne
sentait plus sous elle le contact de la couchette où elle s’était
assise, dans une attitude de repli, les bras enserrant ses genoux, le dos
appuyé dans l’angle formé par les cloisons se rejoignant, dans
l’attente inquiète du moment que tous les humains, à bord du vaisseau,
redoutaient. La vue toujours troublée, elle devinait plus qu’elle ne
voyait le décor sommaire de la cabine où elle s’était réfugiée,
mais elle avait l’impression qu’elle pouvait maintenant s’en échapper,
bien que la porte fût hermétiquement close et qu’elle ne disposât
d’aucun moyen de l’ouvrir avant la fin de la translation. Un simple
effort de volonté, lui semblait-il, serait suffisant pour lui permettre
de traverser les parois d’acier. Elle fit cet effort.
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Fascinée, Yvia
contemplait le merveilleux spectacle. Un délicieux vertige la saisissait ;
au sein de cet univers en perpétuel mouvement, elle n’aurait su dire si
elle-même se déplaçait ou si elle restait immobile. Au bout d’un
temps non mesurable, elle remarqua entre les lignes colorées des sphères
multicolores dont la disposition changeait sans cesse. Certaines
paraissaient minuscules — peut-être était-ce un effet de perspective,
en supposant que les lois de celle-ci restassent inchangées dans cet
univers différent —, d’autres, plus grosses, semblaient avoir la
taille d’un ballon. Yvia fut tentée de jouer avec celles-ci, avant de
se rappeler qu’elle n’avait plus de mains. Ces sphères étaient de
plusieurs sortes ; certaines semblaient brasiller, alors que
d’autres enroulaient autour d’elles de lentes spirales de flammes. Était-ce
des étoiles ?
Alors qu’elle
se posait cette question, elle perçut les voix-pensées.
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