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Autour du Brivet
en bordure de la Brière,
côté est
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Pages
modifiées en mars 2007
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Le Brivet
auprès duquel j'habite n’est qu’un paisible et fort modeste cours d’eau qui ne fait guère parler de lui,
et c’est tant mieux car, comme dit l’adage : « Pour
vivre heureux, vivons caché ». Si l'on emploie le mot
"vallée" pour parler de son cours, cela ne doit pas faire
illusion. On ne trouvera pas ici de ces profondes déchirures du
paysage créées par l’écoulement d’un flot impétueux. Le Brivet est
plutôt endormi et ses différences de niveau sont minimes. Dernier
affluent de la Loire, il s'y jette à Saint-Nazaire, au pied même du pont sur l'estuaire, et contribue peu à en gonfler les eaux.
D'ailleurs, l'Océan est tout proche.
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Pas de paysages
sublimes, grandioses, ici. Trop souvent, le Brivet ressemble à un canal.
Son cours a d'ailleurs été recreusé en divers endroits. C'était une
nécessité, puisque cette rivière sert d'exutoire à la Grande Brière.
Notre petite rivière pousse la modestie jusqu'à se dissimuler
entièrement, parfois, sous l'immense nappe liquide qui recouvre cette région de
marais quand les pluies hivernales sont abondantes.
Il est à noter que les
berges du Brivet ont été habitées depuis la préhistoire, les nombreux
témoignages archéologiques découverts le prouvent. Il est tentant
d’essayer d’imaginer quelle pouvait être la vie des gens, peut-être
pas si différents de nous, en ces temps éloignés. Il est aussi tentant
d’essayer de comprendre ce qu’était, autrefois, la géographie du
pays du Brivet. Et il faut savoir, aujourd’hui, parcourir en prenant son
temps cette région, les yeux ouverts à l’affût de ce qui subsiste
d’un passé beaucoup moins éloigné, celui de nos parents, celui de
notre enfance pour les plus âgés d’entre nous.
L’habitant a pendant
longtemps façonné cette région, créant, notamment, le bocage que des
planificateurs perdus dans leurs abstractions ont cru pouvoir détruire
impunément. Pendant des siècles, l’homme a vécu en harmonie avec son
milieu, en tirant les ressources nécessaires à sa subsistance, vivant
parfois dans la précarité, c’est vrai, mais ne mettant pas encore en péril
un nécessaire équilibre écologique.
Des sociétés se sont développées,
des modes de vie se sont établis, hameaux et villages sont nés du sol même
et des matériaux qu’on en extrayait. De cette longue entreprise de
construction, il reste heureusement maints témoignages, même si trop de
vestiges ont été, et sont encore, détruits par l’ignorance,
l’indifférence et la courte vue de certains.
L'habitat,
notamment, est menacé. On ne trouve plus guère de maisons anciennes
ayant gardé leur caractère. Ceux qui confondent les sens des mots
"rénovation" et "restauration" sont passés par là,
et leurs méfaits sont définitifs. Fenêtres disproportionnées,
extensions furonculeuses, fantaisies "architecturales"
incongrues, enduits modernes venant recouvrir de beaux appareillages de
pierre, et ne parlons pas des "décorations" de
l'environnement... C'est fort dommage, car il n'est d’aucun intérêt de détruire ce qui est beau,
parce qu'enraciné dans le paysage, pour le
remplacer par du médiocre.
Il reste encore des églises,
des chapelles, des croix de bord de chemin, des fours à pain, des puits,
des moulins, de rares maisons qui n'ont pas été défigurées parce qu'on
les a laissées en ruines, de vieux
murets de clôture… Autant de survivants qui m’inspirent et dont je veux
parler. Mais la richesse patrimoniale d'un pays ne se limite pas à ces
témoins construits. Il faut savoir prendre en compte ce qui est paysage,
d'ailleurs largement façonné par l'homme. Arbres, plantes, chemins – rarement creux –, mares,
haies – trop souvent arrachées sans nécessité –, tout cela doit
retenir l'attention du promeneur curieux. Les zones humides, surtout,
participent au caractère de notre région qui ne serait, sans elles,
qu'une campagne assez morne, reconnaissons-le. Sachons voir les multiples beautés qui subsistent chez
nous, trop souvent ignorées, faute de savoir regarder, par ceux qui les
côtoient.
Pour
les découvrir, il n'est qu'un seul moyen, aller à l'aventure par les
chemins, à pied ou à vélo.
Vous
trouverez dans les pages suivantes quelques « notes de lecture » d’un
pays, une esquisse, une ébauche de ce qui pourra peut-être participer à
un livre futur, et quelques images qui sont le résultat d’une
quête photographique et sentimentale qui je
compte poursuivre dans l'avenir.
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Aux
sources du Brivet,
entre
Dréfféac et Sainte-Anne-sur-Brivet
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Le
Brivet à My, en Sainte-Anne-sur-Brivet
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Pour
qui aime à remonter à l'origine des choses, découvrir la source du Brivet
semble être un souhait raisonnable. Mais force est
au promeneur curieux de reconnaître que cet objectif est insaisissable. La
consultation de la carte IGN au 1/25 000 lui aura appris que le Brivet
commence à exister sous ce nom, en tant que rivière, légèrement au
nord-ouest du hameau de My, en Sainte-Anne-sur-Brivet, dans un endroit
appelé les Grands Marais. La photo ci-dessus,
prise à l'endroit où un chemin longe le Brivet, nous montre
une rivière déjà large aux allures de canal. C'est que ses
eaux proviennent de plus haut et ont été rassemblées en ce point par un
réseau de canaux rayonnants et rectilignes traçant leur éventail au cœur
d'un espace situé entre Dréfféac, Saint-Gildas-des-Bois et
Sainte-Anne-sur-Brivet. Lequel de ces canaux, celui de la Curée, celui de
la Fleur, ou encore le canal Joseph, ou bien le canal des Marais, peut être considéré comme le
"père" du Brivet ? Notons qu'au nord de ce point de
jonction, une étendue quadrillée de fossés reçoit l'appellation de
marais de Brivé, du nom d'un hameau situé à l'est, sur le territoire de
la commune de Guenrouët. Il est tentant de voir dans le nom de ce hameau
l'origine de celui de la rivière. Mais en toponymie, on doit se méfier des
évidences : un simple coup d'œil à la carte nous apprend qu'il
n'existe pas le moindre cours d'eau dans ce hameau de Brivé !
On voit donc que l'affaire est complexe. C'est qu'en fait le Brivet
possède plusieurs sources. Le canal de la Fleur y amène les eaux du bassin
versant de Saint-Gildas-des-Bois et de l'étang du Gué aux Biches,
lui-même relié au lac de la Roche-Hervé en Missillac. Le canal des Marais
collecte les eaux des marais de Brivé. Quant au canal Joseph, il retiendra
particulièrement notre attention. À moins d'un kilomètre de la
confluence, il s'embranche sur le canal de Quilly
qui se dirige vers l'est avant de s'infléchir vers le sud ; ou
plutôt, c'est le contraire, l'aval se situant à l'ouest, bien que les
cotes indiquées sur la carte puissent en faire douter : c'est 2 m NGF
partout ! Cependant, plus au sud – nous sommes maintenant dans le
marais de Campbon –, on relève une cote de 3 m, indiquant bien dans quel
sens les eaux s'écoulent, mais sans hâte.
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En
réalité, il faut aller chercher la source du Brivet bien plus loin. Ce
canal de Quilly se prolonge par le ruisseau de Foussoc, puis par le ruisseau
du Pont-aux-Chèvres, près du Pont Bouvronnais. Nous sommes ici entre
Savenay et Bouvron, et à 65 m d'altitude. C'est ainsi que nous dirons que
le Brivet mesure 30 km si nous le faisons débuter à My, ou bien davantage,
50 peut-être, si nous remontons jusqu'à sa source véritable. |
Effet
de petit matin sur le Brivet entre Drefféac et Sainte-Anne-sur-Brivet |
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Les chemins d'eau ne sont pas
les seuls à occuper cet espace : il s'y trouve aussi de petites
routes qu'on aimera parcourir, à pied ou à vélo, par une journée
ensoleillée d'hiver. Lorsque aucun souffle de vent ne ride la surface des
eaux, on admire les effets graphiques, involontairement artistiques, de
barrières et clôtures se réfléchissant dans ce miroir bleuté. On
rêve à d'insolites géographies en prêtant l'oreille aux cris des
oiseaux de mer venus ici chercher un peu de calme. |
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La
croix implantée à proximité de la chapelle de Saint-Lomer offre la
particularité intéressante et rare (*) d'être double, comme on peut le
constater sur la photo. Une première croix de pierre aux arêtes
chanfreinées est à demi engagée dans la masse du socle de la deuxième
croix qui la domine.
On
peut regretter que le monument ait été vandalisé. Les deux faces
latérales du socle ont en effet été recouvertes d'un enduit épais dans
lequel un "artiste" anonyme a inclus des pierres plates disposées
de manière "à faire joli"...
(*)
Il existe à proximité de la chapelle de Saint-Lomer, en bordure de la D
33, un autre monument de ce type, avec une croix de pierre engagée dans le
socle, le tout étant surmonté par une banale croix en fonte du
dix-neuvième siècle.
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L'adorable
chapelle Saint-Lomer, à Sainte-Anne-sur-Brivet, remonterait au dixième
siècle. Incendiée pendant la Révolution, elle a été restaurée et son
état actuel semble être demeuré à peu près inchangé depuis cette
époque, bien qu'elle ait été restaurée récemment.
Émouvante
vieille demoiselle bien conservée, la chapelle de Saint-Lomer se dresse
au bord de la route qui relie Pontchâteau à Sainte-Anne-sur-Brivet. |
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Croix et
calvaires de Besné |
La croix de
pierre du Vignaud, route de Prinquiau, à Besné |
Les
croix des bords des chemins sont nombreuses dans nos pays. Elles n’ont pas
été implantées au hasard, ni sans une raison précise. Dans certaines
contrées, elles peuvent marquer un itinéraire de pèlerinage, et
constituent ainsi une sorte de signalétique. Souvent, elles ont été érigées
à l’instigation de donateurs, en accomplissement d’un vœu. Souvent
aussi, elles marquent le lieu où quelqu’un a trouvé une mort violente,
accidentelle ou résultant d’un acte criminel, et dans ce cas elles ont
valeur d’expiation, de rachat.
Il existe ainsi, en bordure de la route de Prinquiau à la Haie-de-Besné
– donc sur le territoire de Prinquiau – une croix portant cette
inscription : « Ici mourut accidentellement le 13 avril 1887 M. AUDIGER
curé de Besné ».
À
Besné justement, commune riveraine du Brivet, on connaît la grande croix dite celtique du XVe siècle,
dans le cimetière actuel, croix qui était jadis implantée dans l’ancien
cimetière voisin de la vieille église démolie à la fin du XIXe
siècle pour laisser la place à l’église actuelle. Il existe sur le
territoire de la commune d’autres croix de plus petite taille présentant
un réel intérêt, notamment celles de fer forgé ornées des attributs de
la Passion : la lance et l’éponge, placées en oblique de part et
d’autre de la croix qui est elle-même plus ou moins ornée de motifs. Une
de ces croix, dans un état admirable de conservation, est visible à la
Tombarmais, route de Prinquiau. Une autre, d’un modèle plus simple, sans la lance et l’éponge, est
implantée sur un beau socle de maçonnerie à proximité de la chapelle de
Saint-Second.
Une autre encore se dresse à la Croix-de-Fêne : elle est surmontée d’un coq
qui fait office de girouette... qui faisait, plutôt, car la rouille a dû
le réduire au chômage.
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Croix de Saint-Second |
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Croix de la
Croix-de-Fêne |
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Nombreuses
en Loire-Atlantique, ces croix de fer sont assez rares dans les quatre
autres départements bretons. Joseph-Stany Gauthier, ancien conservateur du
Musée d’art régional au château des Ducs de Nantes, auteur de Croix
et Calvaires de Bretagne (Plon, 1944), pense que leur relative abondance
dans notre département peut dériver d’un engouement particulier pour ce
type de calvaire, et de l’existence de quelques forgerons spécialisés
ayant répandu leur production dans les communes voisines de leur lieu
d’activité. Le même auteur estime qu’elles datent généralement du
XVIIIe siècle, pour les plus anciennes, du XIXe pour
les plus récentes.
Remarquons
qu’ensuite ces belles œuvres de ferronnerie – dont trois, au moins, ont
été brisées sur Besné, faute d'avoir été entretenues – ont, au XIXe siècle, laissé la place à des croix de fabrication industrielle, en fonte
d’aluminium ou de fer, en tous points identiques à celles qu’on plaçait sur les
tombes des cimetières, avant la nouvelle dégradation que représentent les
hideux monuments funéraires actuels.
Pour
ce qui concerne la croix de pierre du Vignaud, représentée plus haut, elle
est avec effigie du Christ, et c’est à ma connaissance la seule du genre
sur la commune. La datation de cette très belle croix est difficile :
on peut supposer qu’elle remonte au XVIIe siècle. Le fût en
est bosselé, à l’imitation des nœuds d’un tronc d’arbre grossièrement
travaillé. Cette croix passait pour avoir la vertu de guérir les
furoncles, ce qu’on soigne de nos jours par d’autres moyens. Avec son
beau socle de maçonnerie, elle est en
parfait état, et on peut souhaiter qu’aucun chauffard ne viendra démolir ce bel élément
du patrimoine local.
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On
peut aussi espérer qu’aucune « restauration » intempestive
ne viendra la défigurer, comme cela a été le cas, quand j’étais
enfant, pour la croix de la Chaussée, juste en face de la maison de mes
parents, et dont les pierres du socle sont emprisonnées depuis toutes ces
années dans un triste manteau de ciment aux arêtes dressées à la règle.
Le travail a été exécuté dans les règles de l’art par un maçon, et décidé
par des gens certainement animés des meilleures intentions. On dut, sans
nul doute, trouver que la croix de la Chaussée avait bien plus d’allure
ainsi. Je crois, moi, que ses pierres doivent souffrir d’être ainsi
engoncées dans un corset dont on devrait peut-être songer à les délivrer.
Du moins la croix elle-même, taillée dans un seul bloc de pierre,
n’a-t-elle pas subi de dommage.
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Croix de la
Chaussée
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autre page à voir : Un
regard sur nos marais
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