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Page modifiée le 21 juin 2001
Photo de couverture

Place Viarme

Le marché aux puces de Nantes

éditions du Petit Véhicule, Nantes 2000

Cette photo ornant la couverture est une parmi les centaines que j'ai prises sur le marché aux puces. Le choix de ce sujet n'est pas fortuit : quelle créature, mieux qu'un mannequin, peut symboliser l'étrangeté de ce lieu pittoresque, carrefour du temps où l'imaginaire rencontre le réel, et où l'inanimé, parfois, s'anime d'une vie étrange ?

Texte de la quatrième de couverture

À Nantes, la place Viarme est un fabuleux espace de rencontre et de vie : tous les samedis matins, la brocante attire des milliers de chalands. L’auteur, J.-L. Russon, ancien brocanteur, arpente depuis plus de vingt-cinq ans le marché aux puces. Il a su ouvrir grand ses oreilles et ses mirettes, pour saisir des dialogues surréalistes et des scènes étonnantes qu’il livre avec un subtil sens du récit.

Du déballage des petits matins pâles à la grande foire des dimanches après-midi, l’auteur raconte le monde des chiffetires. Il connaît ses personnages attachants, comme La Bouillotte, son vocabulaire : la drouille, la jaille et les nanars, ses objets fétiches : vieux livres et papiers, boîtes et poupées, horloges comtoises et meubles « d’époque ». Comment les brocanteurs se procurent leur marchandise, comment faire une bonne affaire, à quoi ressemblera la place en 2099...? 

Jean-Luc Russon répond à toutes ces questions avec humour et tendresse. Ses photos illustrent son propos et tentent de saisir l’alchimie secrète et fragile qui lie l’objet et l’acheteur, qu’il soit beau ou laid, riche ou pauvre, cultivé ou non. Car, comme les objets qui s’y étalent, la place Viarme nous rassemble tous, vous, moi et les autres, qui sommes à la recherche de cette ambiance si particulière de totale liberté.

Extraits du texte

Quand les objets vous choisissent

De la même façon que le brocanteur est un marchand de hasard, le client de hasard existe. Ce chaland qui dérive diffère sensiblement du collectionneur mordu à l’objectif bien précis : acquérir la pièce qui manque dans l’ensemble des objets de sa passion. Là où le collectionnomaniaque, à la démarche vive, au regard aigu, croit qu’il faut aller vers l’objet, l’acheteur de hasard attend que l’objet vienne à lui.

C’est un consommateur désillusionné que l’invraisemblable accumulation de superfluités dans les magasins a découragé. Lorsqu’il entre dans une librairie, c’est pour y voir tant de milliers de livres dont beaucoup l’attirent qu’il n’en achète aucun. Devenu incapable de choix, il se laisse choisir, convaincu qu’il est que l’objet qui veut se faire adopter saura bien le découvrir, lui.

Toute hâte est inutile, il faut laisser faire. On voit donc le client de hasard aller nonchalamment, le sourire aux lèvres et le regard distrait. Ce n’est pas lui qui se précipitera en jouant des coudes lorsqu’un déballage s’amorcera au cul d’un camion. Il restera planté en retrait, derrière tout le monde, les mains dans les poches, toujours souriant, mais un peu moins distrait maintenant, car il s’amuse de la frénésie des autres. Et voici que le miracle s’accomplit. Le marchand dépose une caisse à ses pieds même, et personne ne s’y intéresse. Le client de hasard incline légèrement le buste, sans aller jusqu’à s’accroupir, puis il sort une main de sa poche et la tend, non pour saisir, mais pour recevoir. Car l’objet qui, pourrait-on imaginer, en s’agrippant de ses petites mains s’est hissé jusqu’au bord de la caisse, vient de lancer des sortes d’ondes que seul pouvait capter l’acheteur potentiel en résonance avec ce qui fait son identité. Reconnaissant dans cette main tendue celle de celui qu’il veut pour maître, l’objet y saute d’un seul bond et s’y love, s’y faisant tout doux, tout mignon, si gentil, si caressant qu’il est impossible qu’on ne veuille l’adopter. C’est tout de suite le grand amour, partagé, et le chaland de hasard ramène alors chez lui, en le gardant bien au chaud au creux de sa paume, ou bien dans sa poche, ce si gentil petit objet qui lui a si peu coûté et qui lui apportera tellement.

Il y a bien un peu de la magie là-dedans, c’est certain, il a bien fallu que le Hasard se donne du mal pour que cette rencontre ait lieu, mais c’est une chose qui peut arriver à chacun de nous. Même à vous qui ne me croyez pas, moi qui n’ai dit que des vérités dans ces pages. Mais attention, une telle rencontre engage, et un tel amour ne saurait être trahi. Si vous acceptez d’adopter ce petit objet, dites-vous bien que c’est pour la vie. Vous n’aurez pas le droit de rejeter celui qui est si spontanément venu à vous.

(page 159)

Les corolles multicolores des pavillons des phonographes sont comme autant de fleurs qui éclosent à l'occasion d'une foire à la brocante. Ils vont semer aux quatre vents les graines sonores qui feront germer en votre mémoire le souvenir de ritournelles désuètes.

(page 55)

La petite musique s'est tue depuis longtemps, le carrousel a pris fin, et les chevaux de bois libérés s'en sont allés caracoler ailleurs. Mais voici que deux ou trois des équidés du vieux manège se sont retrouvés place Viarme. Normal, je vous l'ai dit : c'était ici autrefois le marché aux chevaux.

(page 101)

[...] ils attendent, debout, immobiles sous leur parapluie déployé, ou engoncés dans leur ciré, le dos arrondi pour mieux lutter contre l'adversité. Certains marchent à petits pas, traversant et retraversant la place où ne stationnent que quatre ou cinq camions encore fermés. Personne ne se hâtera de déballer aujourd'hui. Ce n'est pas qu'il pleuve beaucoup [...] N'empêche qu'à déambuler d'une manière désenchantée dans l'attente d'un début significatif de déballage, on sent le froid et l'humidité s'insinuer en soi.

[...] Quelques parapluies de marché sont dressés. Des marchands sont venus avec des camions pleins, et ils n'aiment pas l'idée de repartir sans y avoir fait un peu de vide en même temps que leur portefeuille se remplit quelque peu, selon le principe bien connu des vases communicants. Tiens, justement, c'est le temps idéal pour tenter de résoudre, par l'expérience et non par le calcul, un problème de robinets : étant donné qu'il tombe à la minute telle quantité d'eau par centimètre carré, combien de temps faudra-t-il pour que cette vieille baignoire en zinc, dont la surface d'ouverture est de tant et la hauteur de tant, se remplisse jusqu'au bord ? Réponse : un temps infini, puisque le trou d'écoulement n'est pas obturé. Cette baignoire, c'est le tonneau des Danaïdes. Il faut dire qu'à certains points de vue, le métier de brocanteur est un rocher de Sisyphe : toujours rouler la même pierre, et pierre qui roule n'amasse pas mousse, c'est bien connu.

(page 71)

Vous trouverez un autre extrait de cet ouvrage sur mon stand Planetexpo

Extraits de critiques

Chineur des samedis matins, Jean-Luc Russon s’est pris de passion pour la brocante de la place Viarme et lui a offert un livre tendre et drôle.

Il a rêvé des puces sous la neige, les a vues une fois ainsi parées de blanc. Mais ce jour-là il n’avait pas son appareil photo pour capturer l’instant. Chasseur d’instants, voleur d’impressions, Jean-Luc Russon l’est devenu peu à peu. Sa proie, son modèle, c’est la brocante.

[...] Des phrases entendues, des impressions ressenties, des instants furtifs. « Ce livre, ce sont les humeurs de la brocante, saisies par hasard. » Tout le petit peuple des puces investit les pages : les « collectionnomaniaques », les « drouillophages » […] Jean-Luc Russon raconte le marché aux puces avec sincérité : « j’en dis du bien et du mal, mais toujours avec beaucoup de tendresse ». Car l’auteur connaît bien cet univers. Les objets du passé souvent l’émeuvent. Au fil de ses chines, il a croisé des choses belles, des assemblages étranges, des coïncidences sympathiques.

(Extrait d’un article signé Émilie Michel, Ouest-France, édition de Nantes, du 6 mai 2000)

Ancien brocanteur de cette fameuse place, Jean-Luc Russon arpente depuis un quart de siècle ce marché aux puces. Du déballage des petits matins nantais aux figures illustres telles que la mère Thomas ou la Bouillotte, il nous emporte avec lui dans cet univers surprenant […] Dans un texte émouvant, Jean-Luc Russon parle aussi de la « longue blessure », ces travaux du tramway qui ont bouleversé l’ordre des choses de la place […] Il faut lire ce livre d’un passionné qui le préface ainsi : « Plus qu’un témoin, j’ai été un rêveur sans doute, et les choses du dehors ont pris les couleurs de mes rêves du dedans. Il ne pouvait en aller autrement : avoir été marchand de hasard, c’est un peu avoir fait commerce de rêves ».

(Extrait d’un article signé Stéphane Pajot, Presse-Océan du 6 mai 2000)

Qui mieux que Jean-Luc Russon aurait pu raconter le marché aux puces de la Place Viarme à Nantes ? Ancien brocanteur lui-même, cela fait plus de 25 ans qu’il y passe presque tous ses samedis matin, à l’affût de l’ambiance et des dialogues, l’appareil photo en bandoulière. De ce rendez-vous hebdomadaire il nous restitue l’atmosphère si particulière et souvent si déroutante pour les néophytes. Et à travers la description de quelques quêtes farfelues de chineurs acharnés, il montre combien ce milieu est passionnant et passionné.

(Loire-Atlantique, le Magazine du Conseil Général, n° 20, été 2001)

Jean-Luc Russon, ancien brocanteur, ne rate jamais le rendez-vous du samedi matin place Viarme. Suivez le guide dans cet univers un peu surréaliste d’objets en tous genres, en transit d’une maison à l’autre, porteurs d’histoires, prêts à retrouver la grâce entre les mains du chineur ou bien de « l’accumulomaniaque ». Jean-Luc Russon raconte avec tendresse la vie et les états d’âme du broc au fil de truculents petits récits. Ainsi, on se promène dans ce livre comme dans les allées du marché aux puces, en toute liberté, et c’est un bonheur car l’auteur a une fort jolie plume, le juste souci du détail et un ton délicieusement espiègle.

(Le guide de Nantes-Passion, été 2000)


 
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