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Page modifiée en mars 2007
Couverture

Chemin des douaniers

roman policier paru en juin 2004 aux Éditions D'Orbestier dans la série Carbone

réédition 2007

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C'est sous cet aspect que Sauveur aperçoit la pêcherie depuis les fenêtres de son pavillon. Ces étranges constructions, réalisées avec plus ou moins de soins, tombant parfois en ruines faute d'entretien, s'échelonnent tout au long du sentier côtier, dit "chemin des douaniers", qui relie Saint-Nazaire à Pornichet.

Résumé

De Saint-Nazaire à Pornichet, le sentier côtier, ancien « chemin des douaniers », étire ses kilomètres aux fortes dénivellations entre les propriétés riveraines encloses de hauts murs et des portions de plages de sable ou de galets, mais aussi des pentes abruptes, rocheuses et boisées, d’où l’on bénéficie d’une vue superbe sur l’estuaire de la Loire. De place en place, des pêcheries, étranges constructions faites de bric et de broc, érigent leurs étranges silhouettes, sentinelles surveillant le large. Des escaliers permettent d’accéder à la grève, et sur le chemin promeneurs et joggeurs se croisent. Mais que se passe-t-il derrière les murs de clôture au-dessus desquels on aperçoit les étages supérieurs de belles maisons ? Quels sont ceux qui vivent ici, et quels secrets dérobent-ils à la curiosité importune des passants ?

Parce qu’il s’intéresse trop aux actes de sa belle et mystérieuse voisine dont il a surpris les rendez-vous secrets, parce qu’un jour il aperçoit, accroché aux branchages qui couvrent la pente de la falaise, un chapeau blanc familier, l’écrivain Sauveur, auteur de romans policiers à succès, mais torturé par des souvenirs amers, va se retrouver impliqué, en tant qu’acteur amené à endosser un rôle qui n’est pas le sien, dans une affaire de meurtre. Ce sera pour s’apercevoir trop tard que les déductions auxquelles l’ont conduit ses observations sont erronées. Comme quoi l’on peut être habile à mêler les fils de ses intrigues sur le papier, et l’être beaucoup moins lorsque l’on s’avise de passer aux « travaux pratiques ».

Un grand "roman criminel", une intrigue diaboliquement ficelée où la psychologie a autant d'importance que l'enquête dans un décor atlantique de mer et de vacances avec, en arrière-plan, l'ambiance particulière de l'estuaire et des chantiers de Saint-Nazaire.

C'est l'éditeur qui le dit, sur la quatrième de couverture !

Extraits du texte

Cela faisait longtemps qu’elle avait repéré leur manège, à ces deux-là. Elle avait adopté à leur égard une attitude de complicité qui avait dû leur faire comprendre qu’elle en savait long, mais qu’ils pouvaient compter sur elle pour ne rien rapporter à monsieur Charles. Celui-ci, il est vrai, avait découvert la chose tout seul. Il faut dire qu’il aurait vraiment fallu qu’il soit aveugle pour ne pas remarquer les regards que sa femme et son associé échangeaient avant d’aller plus loin. Mais du moins madame Cavala se sentait-elle la conscience tranquille, elle qui avait vu venir ce qui était venu.

Elle n'avait personnellement rien à reprocher à monsieur Denoirvétu, qui se montrait toujours assez aimable avec elle, mais enfin il fallait bien admettre qu’il n’était pas toujours d’un caractère facile. La façon dont il traitait son épouse, certains jours ! Entre femmes, on doit se montrer solidaires, et madame Cavala avait choisi son camp. Et puis monsieur Laurent était quelqu’un de bien, bel homme, et plus jeune, quand même, que monsieur Charles. Elle-même, madame Cavala, aurait bien aimé que... Mais monsieur Laurent n’avait d’yeux que pour Coline et, après tout, on pouvait le comprendre. Une si belle femme, bien qu’un peu maigre... Madame Cavala elle-même, dans sa jeunesse...

Elle lâcha un profond soupir. Ah ! Comme tout aurait pu être différent si... La destinée humaine est une bien étrange chose. Il arrivait à madame Cavala d’épiloguer mélancoliquement sur le sujet, lorsqu’il lui venait du vague à l’âme. Elle aurait pu faire un beau mariage, elle aussi, si elle n’avait pas été assez inexplicablement séduite par un ouvrier des Chantiers de l’Atlantique dont elle devait s’apercevoir un peu tard qu’il s’intéressait plus à la bière et au foot qu’à fournir les efforts qui auraient pu lui permettre de gravir quelques échelons dans la hiérarchie. Et, à propos d’échelons, son mari eut la malencontreuse idée d’en rater un, alors qu’il travaillait sur un paquebot, acte irréfléchi qui lui fit effectuer une chute brutale le laissant dans l’incapacité d’accomplir désormais quoi que ce soit, et pas même de respirer. Tiens ! nota madame Cavala, il y avait au moins cette ressemblance entre son défunt mari et la façon dont monsieur Charles venait de mourir — s’il était bien mort.

(Extrait des pages 60/61) 

Dans les moments comme celui quil vivait, tout était enrichissement, même les pensées hostiles et les souvenirs importuns. Même Charles, même la pensée de Charles, son beau-frère.

Celui qui le logeait, le nourrissait, parce que Coline le voulait, mais qui le méprisait si ouvertement, ironisait si lourdement sur lui, tout en affectant de vouloir l’aider. Celui qui ne ratait pas une occasion de lui faire comprendre que sans lui il ne serait rien, et qu’avec lui il n’était pas grand-chose. Rien qu’un raté, un minable, un parasite qui ne trouvait pas sa place dans la société, quelqu’un qu’on condescendait à laisser vivre, mais qu’on aurait mieux fait d’écraser d’un talon indifférent, tout comme une larve. Non, ce n’était pas seulement le mépris et la méchanceté caustique de Charles qui le faisaient parler ainsi, c’était la haine. Charles le haïssait, parce qu’il savait bien, au fond de lui, qu’Aymon lui était infiniment supérieur. Cet esprit fort et borné, ce mercanti, sentait bien qu’il n’aurait jamais accès, malgré tout son argent, aux sphères supérieures qu’habitait Aymon, ou pour mieux dire Duma, l’initiateur de l’instinctivisme, le génie que le monde allait bientôt reconnaître enfin.

Charles pouvait bien ironiser sur la peinture de Duma, qu’il qualifiait de barbouillage, le dépit seul le faisait parler ainsi. La jalousie du béotien, de l’ignare, qui ne comprend rien à l’Art.

Barbouillage ! Ridicule !

Même Coline, Aymon le sentait bien, et c’était pour lui une douleur, avait des doutes. C’était triste. Sa sœur aînée, qui toujours l’avait aimé et aidé, protégé, guidé, et c’était chose normale, car les génies ne naissent qu’au terme d’une gestation longue et douloureuse, sa sœur qui lui avait servi de père et de mère après la mort de leurs parents n’était pas toujours convaincue de l’immense talent de son frère, de ses infinies potentialités. Comment Coline pouvait-elle douter de lui, ne pas croire en son génie ? Mais ce n’était pas entièrement sa faute, il lui manquait l’extrême sensibilité qui seule l’aurait mise en phase avec Duma. C’était parce qu’elle avait dû pourvoir trop jeune à leurs besoins matériels, et pendant trop longtemps. Il avait fallu qu’elle se sacrifie pour que mûrisse dans l’esprit de son jeune frère cette graine qui un jour avait éclos magnifiquement. Et elle ne l’avait jamais laissé tomber, elle. Elle faisait ce qu’il fallait pour qu’Aymon soit délivré de tout souci matériel. Elle était allée jusqu’à épouser un homme qu’elle ne pouvait pas aimer, c’était impossible, bien qu’elle prétendît le contraire, mais certainement pour qu’Aymon ne se sente pas trop redevable envers elle, pour épargner que la moindre parcelle de gêne, d’embarras, ne vienne si peu que ce soit risquer de compromettre l’éclosion de ce qui nécessitait ce grand sacrifice. Elle avait tant de délicatesse, Coline !

(Extrait des pages 83/84)

Il aurait fallu être omniscient pour se trouver en mesure de peser exactement actes et décisions. À la manière d’un romancier, qui sait ce qu’ignore le lecteur et peut se permettre de jouer au dieu manichéen. À ceci près, aurait pu objecter Sauveur, ou plutôt Sauvage, l’auteur de romans policiers, que les histoires qu’on écrit ne sont pas, dès le départ, d’une clarté absolue, et que les personnages lancés dans l’action se mettent très vite à vivre de leur vie propre et à agir de manière parfois déconcertante. Au point que le créateur se retrouve n’être que le rapporteur de faits embrouillés qui n’acquièrent une cohérence qu’à partir du moment où la vue d’ensemble qu’on en possède s’élargit, et permet de distinguer l’essentiel de l’accessoire.

Au point, aussi, que l’auteur prend soudain conscience de son impuissance à maîtriser les forces imprudemment suscitées, et doit se résigner à voir se diluer l’intrigue patiemment élaborée.

C’était la constatation amère à laquelle Sauveur fut amené en ce mardi, lorsqu’il se rendit compte qu’il serait aujourd’hui, tout autant que la veille, incapable d’écrire une phrase valable [...] Tout comme le commissaire Lemesurier cherchant par quel bout prendre l’affaire, tout comme Coline inquiète et désemparée, Sauveur avait la sensation de se retrouver au cœur d’un brouillard qui lui interdisait de discerner vers quoi il se dirigeait. Une seule image claire flottait dans son esprit : celle d’une silhouette élégante, celle d’un visage aux pommettes  hautes qu’encadrait une chevelure très sombre. Pourquoi fallait-il, à un homme de son âge, que le visage et le corps d’une femme dans sa plénitude vînt le harceler de cette manière ?

(Extrait des pages 91/92)

Le vertige passa, et l’écrivain reprit ses efforts. Et soudain, sans avertissement, le corps de Charles Denoirvétu se décrocha enfin, fila vers le bas, parcourant sans plus rencontrer d’obstacles le reste du trajet qui s’acheva dans l’eau, comme prévu, dans un grand éclaboussement que Sauveur n’entendit même pas.

Car, l’ultime effort qu’il venait de fournir lui faisait perdre l’équilibre. Ses deux pieds dérapaient, l’arbuste auquel il se cramponnait se déracinait partiellement, et il se retrouva pendu dans le vide, retenu de sa seule main gauche. Il tâtonna autour de lui de la main droite, convulsivement, et il trouva autre chose à quoi se raccrocher, mais il comprit très vite qu’il lui serait impossible de se hisser. Ses pieds battaient désespérément dans le vide, là où la roche formait un surplomb.

« À mon tour », se dit-il, avec une sorte d’indifférence soudaine.

Après tout, ce serait peut-être aussi bien d’en finir. Et s’il lâchait maintenant, volontairement, avant d’y être contraint par l’épuisement ? La disparition de l’écrivain Sauveur, suivant celle de Charles Denoirvétu, créerait une certaine sensation. Le commissaire Lemesurier saurait-il reconstituer les événements ? C’était une intéressante question.

— Tenez bon, j’arrive !

Sauveur crut d’abord qu’il faisait une sorte de rêve. Ou bien son esprit, entraîné à cela, poursuivait l’élaboration de l’intrigue amorcée. L’action rebondissait, et le lecteur tenu en haleine se demandait ce qui allait survenir à présent.

Ce qui survint, ce fut une silhouette sombre qui surgit au-dessus de lui et se mit à dévaler les marches sans chercher à atténuer le bruit de ses semelles frappant le ciment. Curieusement détaché, Sauveur suivit des yeux ses mouvements quand l’homme, répétant ce que lui-même faisait quelques minutes plus tôt, s’engagea à son tour sur la pente rocheuse, se cramponnant aux mêmes arbustes, aux mêmes racines, progressant vers lui avec plus de sûreté et plus de rapidité que Sauveur n’en avait fourni.

Sous le poids du corps de l’écrivain, l’arbuste qu’il tenait de la main gauche continua à se déraciner, et il se sentit descendre doucement, sa poitrine frottant douloureusement contre la paroi, mais ce mouvement ralenti par sa main droite dont les doigts crispés refusaient de lâcher l’aspérité rocheuse autour de laquelle ils se repliaient. L’homme se trouvait tout proche maintenant, et il tendait le bras droit vers lui. Sauveur se dit qu’il allait, non le secourir, mais lui donner une poussée afin d’achever le travail commencé. Il obligerait Sauveur à lâcher sa prise pour qu’il rejoigne, au bas de la falaise, le corps de Charles Denoirvétu que la mer commençant à se retirer devait déjà entraîner. C’était logique, il ne pouvait pas faire autrement. Il lui fallait éliminer ce témoin.

(Extrait des pages 110/111 )

Extrait de critique

Chemin des douaniers séduit autant par l'intrigue, diaboliquement ficelée et pleine de rebondissements, que par les descriptions ciselées [que l'auteur] fait de Saint-Nazaire et de son magnifique sentier côtier. 

[...] Chemin des douaniers, le quatrième livre paru sous la signature de Jean-Luc Russon, n'est pas à proprement parler un polar. L'auteur lui-même le qualifie d'ailleurs de roman criminel, la nuance tenant selon lui au fait que l'intrigue ne se déploie pas sous le seul regard de l'enquêteur mais suit les méandres psychologiques des différents protagonistes. En réalité, le personnage principal ici c'est le "chemin des douaniers" qui donne son titre à ce récit vivant, aux multiples rebondissements, écrit d'une plume ample et ondulante comme une houle océanique après un fort coup de vent d'ouest [...] Jean-Luc Russon s'adonne entièrement [à l'écriture] avec une délectation qui n'a d'égale que le plaisir de lire qu'il procure. Avec un souci du détail, une justesse dans l'analyse qui révèlent chez lui le fin connaisseur de la région où il habite, de ses paysages, de ses mœurs, nourri par l'affection qu'il porte à la construction navale nazairienne et aux générations ouvrières qui ont forgé l'âme de cette ville. Le roman est également une astucieuse mise en abyme : l'un des héros de cette sombre histoire est un écrivain, auteur reconnu de romans policiers à succès, une sorte d'ermite habité par les fantômes d'un passé douloureux [...] qui trouve là l'occasion unique de franchir le miroir et de se transplanter dans l'univers romanesque.

(Extrait d'un article signé Pierre Bigot, paru dans Ouest-France du 8 juillet 2004)


 
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